Impact du vieillissement de la population mondiale sur l’emploi et le marché du travail.

Impact du vieillissement de la population mondiale sur l’emploi et le marché du travail.

Introduction

Le vieillissement de la population est un phénomène auquel quasiment tous les pays du monde sont aujourd’hui confrontés, dans un mouvement plus ou moins accentué selon les régions, mais visible partout.

Ce phénomène, avec le changement climatique, devient l’un des facteurs importants des transformations économiques et sociales de notre siècle, avec des effets sur l’ensemble des structures de la société.

Nous en mesurons déjà aujourd’hui, les conséquences importantes sur l’emploi, le marché du travail ou encore les systèmes de protection sociale. Sociologiquement, le vieillissement de la population influence aussi également profondément les rapports intergénérationnels que ce soit au sein des structures familiales ou dans le monde du travail.

Le maintien en activité des séniors sera de plus en plus facteur de développement économique et de cohésion sociale. Donc s’interroger, anticiper les impacts du vieillissement de la population active devient un impératif des politiques des gouvernements et des programmes d’action des Services Publics d’Emploi (SPE).

Un dossier de notre consultant senior, Thierry HUORT

Thierry a rejoint le secrétariat début janvier 2020. Thierry HUORT est mis à disposition par Pôle emploi, le service public français de l’emploi depuis janvier 2020 auprès de WAPES. Depuis plus de 35 ans au service de l’emploi, il a occupé différentes fonctions du conseil à l’emploi à la conduite de projet en ressources humaines en passant par le management.

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Contenu du dossier

Un contexte mondial inédit dans l’histoire de l’humanité

La population âgée de 60 ans et plus passera de 1 milliard de personnes en 2020 à 1,4 milliard en 2030.

Seniors, atout ou charge ? Les préjugés dans le monde du travail…

90% des actifs de plus de 55 ans déclarent être prêts à changer de fonction.

La mixité intergénérationnelle, source de création de valeur pour l’entreprise

4 générations travaillent ensembles dans l’entreprise

Des seniors en cessation anticipée d’activité : Une réserve de compétences ?

Dans les pays de l’OCDE, moins de 60 % des 50 à 64 ans ont un emploi.

Les promesses de la « Silver Economie »

2 milliards de personnes âgées dans le Monde d'ici 2050

Crises économiques et vieillissement : Impact sur les systèmes de retraite et risques de paupérisation

+ 14 %: C’est l’évolution de l’espérance de vie entre 1970 et 2019 dans les pays de l’OCDE

Des leviers et des pratiques pour agir

40% des SPE ont intégré une priorité en 2022 pour le maintien en emploi des séniors

Pour en savoir plus

Rapports, études et données de l'OCDE et de l'OIT

Des pratiques illustrées

France : Pôle emploi promeut pour les seniors l’emploi à temps partagé

Europe : La mobilisation du Fonds Social Européen (FSE)

Un contexte mondial inédit dans l’histoire de l’humanité

Au niveau mondial, la population âgée de 65 ans et plus, augmente plus rapidement que celle des autres tranches d’âge. Selon les prévisions du Rapport des Nations Unies publié en juillet 2019 sur l’état de la population mondiale, d’ici 2050, une personne sur six dans le monde aura plus de 65 ans (16%), contre une sur onze en 2019 (9%).

En 2018, pour la première fois dans l’histoire connue de l’Humanité, les personnes âgées de 65 ans ou plus étaient plus nombreuses que les enfants de moins de cinq ans dans le monde.

D’ici 2050, une personne sur quatre vivant en Europe et Amérique du Nord aura 65 ans ou plus. Le nombre de personnes âgées de 80 ans ou plus devrait tripler, passant de 143 millions en 2019 à 426 millions.

La hausse de l’espérance de vie et la baisse des taux de fécondité sont de prime abord, les principaux facteurs qui influencent notre démographie. Mais les migrations, les mouvements au niveau mondial ont également des effets importants sur la structure des âges de la population :

  • Dans les pays d’accueil, la migration internationale peut temporairement ralentir le déclin et le vieillissement de la population, puisque que les migrants sont généralement une population jeune et en âge de travailler.
  • Le revers de cette situation est que ces migrations importantes de jeunes actifs , pourraient à terme contribuer à accentuer le vieillissement de la population des pays de départs, même si pour l’instant les niveaux de natalité contrebalance généralement ce phénomène.

D’autres causes, par effet systémique, peuvent aussi influencer ce phénomène : l’accroissement ces dernières années, dans de nombreux pays y compris à revenu élevé, d’emplois souvent précaires, de faibles espérances salariales et un marché du travail insécurisant, peuvent aussi conduire les familles à avoir moins d’enfant ou d’en avoir de plus en plus tard. Une des conséquences immédiates de ce ralentissement est que la croissance de la population active mondiale, selon les experts, pourrait ne

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La population âgée de 60 ans et plus passera de 1 milliard de personnes en 2020 à 1,4 milliard en 2030.

pas compenser l’augmentation rapide du nombre de retraités, ce qui exercera de plus en plus une pression à la fois, sur les systèmes des retraites, et, sur le marché du travail.

En conséquence, dans tous les pays, la part des seniors dans la population active va augmenter. Et c’est une nouvelle révolution progressive à laquelle les institutions, les services publics, les entreprises, et même le monde de la formation professionnelle, doivent impérativement se préparer.

Selon l’analyse de ce rapport, le vieillissement de la population devrait entraîner une hausse de l’âge moyen des actifs, selon les prévisions, qui devrait passer de près de 40 ans en 2017 à 41 ans en 2030, avec une hausse nettement plus rapide en Europe et en Asie de l’Est, notamment en Chine.

Au niveau européen par exemple, la Suisse fait partie avec la Suède (86%), l’Islande (83,6%) et l’Estonie (81,3%) des pays dans lesquels plus de huit personnes sur dix âgées de 50 à 64 ans étaient actives (moyenne de l’Union européenne : 70,3%) en 2020. Selon un récent communiqué de l’Office Fédéral de la Statistique (OFS), en Suisse, plus du tiers (33,5%) de la population active avait 50 ans ou plus en 2020, soit un tiers (33,5%) de la population active totale, une part qui a progressé par rapport à 1991 (24%).

Un taux d’emploi élevé de la population de plus de 50 ans a un impact positif sur l’économie et engendre la création de nouveaux marchés. Les experts européens prévoient également que les dépenses des personnes âgées de 50 ans et plus, atteindront 6,4 milliards d’euros d’ici 2025 et seront à l’origine de près de 40% des emplois créés (source: Commission européenne). C’est ce que l’on nomme déjà depuis plusieurs années, la « Silver Economie ».

Seniors, atout ou charge ? Les préjugés dans le monde du travail…

Selon le baromètre réalisé en France, par le Défenseur des Droits et l’OIT (Organisation Internationale du Travail)1, l’âge est, avec le fait d’être une femme enceinte, le premier critère des discriminations ressenties par les salariés. Être âgé de plus de 55 ans est considéré comme un frein à l’embauche par 82 % des salariés du secteur public, 81 % des salariés du secteur privé et 89 % des demandeurs d’emploi. L’âge est vecteur de nombreux préjugés, autant de la part des employeurs que des travailleurs eux-mêmes.

Selon le baromètre 2018 d’une association française de recruteurs « A compétences égales »2, entreprises, cabinets de recrutements et candidats seniors citent comme principaux freins « perçus » à l’embauche des seniors : le coût, la difficulté à être managés, la résistance au changement,  le surdimensionnement du profil par rapport au poste, ou encore la question du temps restant à travailler dans l’entreprise.

La plupart de ces affirmations sont néanmoins contredites, selon cette même étude, par les réponses des seniors interrogés. Ainsi, 3 seniors sur 4 déclarent être prêts à revoir leur rémunération à la baisse (et même 8 sur 10 pour les cadres), tandis que plus de 9 personnes sur 10 déclarent être prêtes à changer de fonction.

Par ailleurs, les atouts des seniors exprimés conjointement par les

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Des actifs de plus de 55 ans déclarent être prêts à changer de fonction.

entreprises, cabinets et candidats, contrebalance les freins évoqués. Les seniors sont en effet perçus par des recruteurs avisés, comme ayant davantage d’expérience, d’expertise, d’autonomie, de capacité de recul et d’analyse du risque, et, enfin, le goût de la transmission.

Et aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des start’up, émergeantes de l’économie digitale, intégrer dans leur plan de développement, le recrutement de séniors sur des fonctions de management, de direction des opérations, de direction marketing ou encore en direction commerciale3.

Quant à la question du « temps restant à travailler en entreprise, il faut avoir à l’esprit qu’un salarié âgé de 50 ans a encore devant lui bien plus de dix années de vie professionnelle. De plus, dans un contexte de marché du travail tendu, les salariés seniors sont susceptibles d’afficher une relative stabilité, une plus grande fidélité envers leur entreprise, et offrir ainsi une réponse à la problématique de turn over qui affecte de nombreuses entreprises.

La mixité intergénérationnelle, source de création de valeur pour l’entreprise

Ce vieillissement de la population a un autre effet pour les entreprises et leurs dirigeants qui doivent dorénavant apprendre à composer avec une donnée nouvelle : faire travailler ensemble trois et bientôt quatre générations avec des différences de culture, de conception de la relation au travail qui peuvent générer autant de synergie que de tensions.

La génération dites des « Baby-boomer », cette génération née entre 1945 et 1965 est majoritairement composée de personnes qui ont pu construire leur parcours sur l’engagement dans une économie mondiale d’après-guerre en pleine croissance, la valorisation de l’expérience et les acquis sociaux.

Puis, la génération « X » , née entre 1965 et 1980, qui des crises successives (chocs pétrolier, chute du Mur de Berlin,..) , et de l’apparition du chômage de masse a appris souvent à ses dépens, la flexibilité, pour certain le travail précaire, avec en contrepartie comme moteur la recherche de stabilité, de sécurité.

La génération « Y » , née entre 1980 et 1995 représente aujourd’hui 50% de la population mondiale et, selon plusieurs études (Deloitte, Brookings Institute), elle représentera 75% des actifs dans le monde en 2025.

Cette génération qui a grandi avec les NTIC , est « imprégnée » des effets de l’instantanéité du monde numérique. Ils ont aussi retenu de l’expérience de la génération précédente, des désillusions et accidents de

Générations travaillent ensembles dans l’entreprise

vie professionnelle de leurs parents, d’où une certaine relativité du lien à l’entreprise qui rompt avec les aspirations des précédentes générations.

Enfin arrive maintenant, la génération dites Z,  née après 1995, 32% de la population mondiale, qui entre aujourd’hui dans l’entreprise, digital addicts mais avides de relations authentiques, endurcis par les crises successives (sociales, climatiques, sanitaires,..), ils sont souvent loin d’être à l’image préjugée d’une génération passive et simplement opportuniste. Nous pouvons observer qu’ils savent aussi s’engager et affronter les problèmes de notre époque en toute conscience (risques climatiques, évolution de la société, lutte contre les discriminations..) avec sans aucun doute plus d’exigence, un sentiment plus affirmé d’urgence, qu’aucune autre génération, n’hésitant pas d’ailleurs à aller à la confrontation avec elles ( « OK boomer ! »).

Pour les entreprises, pour les managers, c’est un véritable défi. Il ne s’agit pas seulement de faire cohabiter ces cultures qui apparaissent a priori inconciliables, mais de créer les conditions pour les faire travailler en synergie, s’enrichissant mutuellement de leurs différences pour affronter collectivement les enjeux de demain.

Des seniors en cessation anticipée d’activité : Une réserve de compétences ?

L’OCDE, dans son rapport de 2006 « Vivre et travailler plus longtemps » remarquait déjà que moins de 60 % des personnes âgées de 50 à 64 ans avaient un emploi, situation qui reflétait déjà les cessations anticipées d’activité…. Dans certains pays, ces cessations anticipées d’activité s’appuient essentiellement sur certaines dispositions des systèmes de retraite (pension) ou sur des dispositifs de préretraite, dans d’autres, elles s’opèrent par le biais des prestations d’invalidité et autres prestations sociales.

Dans tous les pays observés, les retours à l’emploi sont plus rares chez les plus âgés – en général, moins de 5 % des personnes en inactivité âgées de 50 à 64 ans occupent un emploi un an après leur perte d’emploi.

Depuis plusieurs décennies, nous observons que les seniors ont autant de difficultés à conserver leur emploi, qu’à en retrouver un en cas de perte d’emploi.

Comme nous l’avons déjà évoqué dans le chapitre précédent, les obstacles à la reprise d’emploi, exprimés du côté des employeurs, sont notamment :

une perception négative de la capacité des plus âgés de s’adapter aux changements technologiques et organisationnels ;

des coûts de main-d’œuvre, salariaux et non salariaux, qui augmentent plus avec l’âge qu’avec la productivité ;

et les difficultés que les entreprises peuvent rencontrer pour ajuster leurs effectifs, compte tenu des règles de protection de l’emploi.

Les seniors, eux-mêmes, peuvent avoir le sentiment (avéré ou non) de subir une dépréciation de leur capital humain liée par exemple à des effets du vieillissement sur l’adaptation aux exigences et aux conditions de travail sur certains postes. Mais se pose aussi la question du maintien ou du développement de leurs compétences, avec souvent, de leur part, une faible motivation pour mobiliser les possibilités de formation qui s’offrent à eux.

De fait, malgré les efforts avec des politiques d’incitation comme en Europe avec la « Formation tout au long de la vie », la fréquence de la formation diminue avec l’âge dans tous les pays couverts par l’étude, ce qui s’explique aussi, en partie, par la brièveté de la période sur laquelle on peut espérer rentabiliser l’investissement dans la formation des seniors, mais aussi des niveaux d’études, comparativement plus faibles, en moyenne sur ces tranches d’âges.

Les problèmes de santé et la pénibilité des conditions de travail peuvent aussi jouer un rôle : de nombreuses études montrent que les travailleurs

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Des 50 à 64 ans ont un emploi dans les pays de l’OCDE

manuels et les travailleurs peu qualifiés sont davantage susceptibles de sortir précocement du marché du travail que les travailleurs non manuels et les travailleurs plus qualifiés.

Ce constat s’intègre dans une question plus large de la capacité des actifs aujourd’hui, toutes générations confondues, de suivre le rythme des innovations et l’itération de plus en plus rapide des changements structurels sur le marché du travail, et, dans la même logique, de l’adaptation des politiques et dispositifs qui, avec anticipation, devront les accompagner.

Une réalité constatée par tous les SPE, les seniors qui perdent leur emploi ont souvent beaucoup de mal à retrouver du travail et souvent cela s’accompagne d’une baisse de salaire.

En moyenne, dans la zone de l’OCDE, le taux d’embauche des travailleurs âgés de 50 ans et plus représente moins de la moitié du taux d’embauche des travailleurs âgés de 25 à 49 ans.

Le faible taux de retour à l’emploi des demandeurs d’emploi âgés reflète, nous l’avons vu, la persistance d’une réticence des employeurs à embaucher ce type de travailleurs. Mais aussi, elle révèle, ne nous le cachons pas, l’absence d’une conviction partagée au sein même du corps des professionnels de l’emploi, une part de laxisme au regard des obligations de recherche d’emploi, et un soutien plus limité apporté par le SPE à cette catégorie de demandeurs d’emploi, au regard d’autres catégories (Jeunes,..). De fait, les actions vers les demandeurs d’emploi âgés sont souvent sous-représentées dans les programmes actifs d’emploi orientés généralement vers d’autres priorités.

La pandémie COVID -19, dans de nombreux pays, a eu des effets d’accroissement des cessations d’activité pour cette catégorie d’actifs et dans d’autres cas, des effets de transferts d’emplois d’un secteur à l’autre, aggravant des déficits structurels préexistants d’emploi dans certains secteurs d’activités (hôtellerie, métiers de la santé, transports, bâtiment, etc.) freinant dans la plupart de nos pays nos plans de relance. Nos gouvernements nous incitent à agir d’urgence sur les offres d’emploi non pourvues, sur les tensions du marché du travail.

Nous sommes engagés à mobiliser toutes les réserves en main-d’œuvre disponible pour soutenir la croissance économique. Les seniors actuellement inactifs ne représentent-ils pas alors une des principales réserves en main-d’œuvre disponible que nous pourrions remettre en mouvement ?

Les promesses de la «Silver Economie»… 

Sous l’étiquette « seniors » se cache en réalité une grande diversité de profils, du jeune retraité actif et autonome aux personnes plus âgées dépendantes. Chacun de ces profils, cibles en croissance, a des besoins spécifiques, auxquels innovations, produits et services adaptés devront répondre demain ; c’est ce secteur émergeant que nous avons appelé la « silver économie ».

Selon le cabinet GlobalAgingCOnsulting4 existe trois grands groupes de personnes-cibles des produits et services de la « silver économie » :

  • les seniors dits « actifs », autonomes et indépendants ;
  • les seniors dits « fragiles », avec quelques limitations ou baisses de capacités ;
  • les seniors dits « dépendants », qui ont besoin d’aide pour accomplir les actes de la vie courante.

L’une des principaux arguments de la « silver économie » est d’améliorer la qualité de vie de toutes ces personnes, quel que soit leur profil, de

de personnes âgées dans le Monde d'ici 2050

garantir leur autonomie le plus longtemps possible, et ainsi d’allonger leur espérance de vie. Autrement dit, il s’agit de s’adapter au mieux à leurs singularités. 

Cela entraine une diversification insoupçonnée de métiers et d’emploi dans le secteur. Si certaines professions sont directement liées à l’activité médicale et au soin, d’autres se focalisent pleinement sur les dimensions sociales et relationnelles. Le vieillissement de la population va ainsi créer ou développer de nombreuses opportunités d’emplois dans des domaines tels que l’habitat, les transports, ou encore les loisirs et la communication. Sans compter sur les nouvelles technologies qui s’orientent sur l’assistance et l’aide aux personnes. 

Crises économique et vieillissement : Impact sur les systèmes de retraite et risques de paupérisation

Les revenus que perçoivent les retraités résultent essentiellement de leur parcours individuel professionnel et salarial et des règles en vigueur au moment où les droits à la retraite étaient constitués.

Outre les différentes caractéristiques des régimes de protection sociale, le taux d’activité rémunérée des hommes et des femmes, leurs salaires et la durée de leur vie active sont des déterminants fondamentaux de leur revenu à la retraite.

Contrairement aux générations précédentes, de nombreux nombre des salariés actuels ont été ou sont confrontés à une insécurité croissante de l’emploi et à la nécessité de transition professionnelles et de reconversion souvent subie.

La relation d’emploi a progressivement évolué vers des dispositifs plus souples, mais souvent plus précaires, comme le travail à temps partiel, les contrats à durée déterminée, et diverses formes de travail indépendant qui se sont développées notamment avec la digitalisation de l’économie.

Les différentes crises économiques et des carences structurelles de la relation éducation-emploi ont entrainé régulièrement des entrées retardées et souvent difficiles sur le marché de l’emploi. Les programmes d’appui à l’insertion ou à la réinsertion prévus par les gouvernants n’ont pas toujours pris en compte la question des cotisations pour les pensions.

Ensuite, des événements ultérieurs de la vie (maternité et éducation des enfants par exemple) influent sur le montant des pensions, selon le régime de retraite, sous l’effet de la longueur potentielle des périodes d’emploi rémunérées. Les parcours professionnels des femmes souvent fractionnés et les écarts persistant de rémunération sont aussi des facteurs influant sur le montant des pensions. Selon une étude de l’OCDE en 2015, la disparité entre les sexes est particulièrement accusée lorsqu’il s’agit de responsabilités familiales : un quart des femmes, mais à peine 4 % des hommes quittaient (données de 2015) leur emploi pour s’occuper d’un proche

Un exemple illustre bien les risques de cette disparité générationnelle face à l’emploi : Entre 1990 et 2000 le Japon va, suite à l’éclatement d’une

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C’est l’évolution de l’espérance de vie entre 1970 et 2019 dans les pays de l’OCDE

bulle spéculative (boursière et immobilière) va vivre une profonde récession économique dont les conséquences sont toujours palpables aujourd’hui et sur lesquelles le gouvernement et le SPE tentent d’agir.

La génération des actifs qui ont obtenu leur diplôme universitaire ou secondaire entre 1990 et 2004 environ sont appelées la « génération de l’ère glaciaire de l’emploi » (Employment Ice Age generation).

Cette génération, entrée sur le marché du travail dans une période de récession, a dû faire face à un marché très contracté, offrant peu d’opportunité et s’est trouvée en situation de devoir accepter des emplois non réguliers, précaires et mal payés. Lorsque l’économie japonaise a progressivement repris, les entreprises sont restées sur une politique de recrutement très classique consistant à embaucher de nouveaux diplômés en masse, laissant la « génération de l’ère glaciaire » exclue des possibilités d’emplois plus stables et mieux rémunérées.

Les actifs de cette génération sont maintenant dans une tranche d’âge entre 30 et 40 ans.

Beaucoup d’individus, dans cette génération sont donc en risque de ne pas pouvoir bénéficier de revenus suffisants lorsqu’ils atteindront l’âge de la retraite, à moins qu’ils ne bénéficient de la solidarité familiale pour les aider.

Le gouvernement japonais s’est donc fixé l’objectif de stimuler, de prioriser l’emploi régulier pour les actifs de cette génération pour les trois prochaines années en leur proposant un soutien intensif.

Cet exemple illustre bien, les impacts à long terme que peuvent avoir des situations conjoncturelles de précarité d’emploi sur la vulnérabilité de certaines catégories de la population et la nécessité d’en identifier les risques, et, de les prévenir par des actions volontaristes.

Des leviers et des pratiques pour agir

L’OCDE, dans son étude a regroupé les pratiques de ses pays membres autour de deux grands domaines d’action :

 

  • L’Encouragement des entreprises pour le recrutement et le maintien en activité des travailleurs âgés
  1. Prévenir de la discrimination en matière d’emploi fondée sur l’âge
  2. Adopter une approche équilibrée de la protection de l’emploi par âge
  3. Décourager la retraite « obligatoire » des employeurs
  4. Encourager les partenaires sociaux à revoir les systèmes d’ajustement des salaires à l’ancienneté (GVT..) et privilégier l’accroissement des compétences
  5. Encourager les bonnes pratiques dans les entreprises pour le maintien et la gestion d’une main-d’œuvre « générationnellement diversifiée »

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Des SPE ont intégré une priorité en 2022 pour le maintien en emploi des séniors

  • La Promotion de l’employabilité des travailleurs tout au long de leur vie professionnelle 
  1. Accroître la participation à la formation des travailleurs en milieu ou en fin de carrière 
  2. Fournir une aide à l’emploi efficace aux demandeurs d’emploi âgés 
  3. Améliorer la qualité de l’emploi pour les travailleurs âgés 

Des pratiques illustrées:

 

France : Pôle emploi promeut pour les seniors l’emploi à temps partagé

https://www.pole-emploi.fr/actualites/a-laffiche/seniors-boostez-votre-employabil.html

En France, des entreprises de travail à temps partagé (ETTP) peuvent être créées dans le but exclusif de mettre à disposition d’entreprises clientes du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens. La mission du salarié ainsi mis à disposition peut être à temps plein ou à temps partiel. Un contrat doit être signé, pour chaque mise à disposition, entre l’entreprise de travail en temps partagé et l’entreprise cliente, un contrat de travail étant par ailleurs signé entre le salarié mis à disposition et l’entreprise de travail à temps partagé. Les entreprises de travail temporaire peuvent également exercer l’activité d’entreprise de travail à temps partagé.

Le recours au travail à temps partagé n’a d’abord concerné qu’une petite partie de la population active, jusqu’à la loi française sur l’avenir professionnel de 2018, a étendu ce dispositif à un plus grand nombre de profils. Désormais, peuvent être embauchées en temps partagé les personnes :

  • Qui ont des difficultés particulières d’insertion dans la vie professionnelle
  • Qui sont inscrites au chômage depuis au moins six mois
  • Qui sont bénéficiaires de minima sociaux
  • Qui sont en situation de handicap ou âgées de plus de 50 ans
  • Qui ont un faible niveau de qualification

 

Europe : La mobilisation du Fonds Social Européen (FSE)

Le FSE est le principal dispositif européen de soutien à l’emploi: il intervient pour aider les personnes à trouver des emplois de meilleure qualité et pour offrir des perspectives professionnelles plus équitables à tous les citoyens de l’Union Européenne. Avec un budget de 10 milliards d’euros par an, le FSE améliore les perspectives d’emploi de millions d’Européens, en portant une attention particulière aux personnes qui éprouvent le plus de difficultés à trouver un emploi.

Plusieurs projets du FSE visent à promouvoir le «vieillissement actif» chez les travailleurs et les demandeurs d’emploi plus âgés.

Ces projets les encouragent à actualiser leurs connaissances actuelles (qui peuvent être dépassées), à se former pour acquérir de nouvelles compétences si nécessaires, à se familiariser avec les nouvelles technologies, ainsi qu’à discuter des changements de pratiques de travail avec leurs employeurs. Le FSE propose des approches sur mesure pour inciter les personnes âgées à travailler plus longtemps et à continuer à apporter leur précieuse contribution – un facteur essentiel pour atténuer les effets d’une main-d’œuvre vieillissante –ainsi que des initiatives spécifiques destinées à encourager les entreprises à engager des demandeurs d’emploi âgés.

(Et vous, quelles sont les pratiques dans vos pays? n’hésitez pas à nous les partager en nous les communicant via thierry.huort@wapes.org ou en vous rendant sur le Forum dédié en cliquant sur ce lien)